Rappelons qu’un psaume reste fait pour etre chante, accompagne avec un instrument a cordes (psallein, en grec, signifie toucher une corde pour la faire resonner). Ces deux psaumes d’la penitence nous touchent particulierement parce qu’ils expriment avec une grande verite ce que nous eprouvons dans des detresses, surtout celles qui sont liees a des fautes personnelles.
C’est Par exemple « des profondeurs » que crie le psalmiste, non une boue ou le prophete Jeremie fut jete au fond d’un puits (Jr 38, 13-18), mais des obscurites de sa propre conscience.
Il est pour chacun de nous des situations extremes, ou ne pouvons plus nous cacher a nous-meme la verite de ce que nous sommes. Ces moments paraissent salutaires, parce qu’ils font sortir de notre c?ur angoisse 1 bon cri, que Dieu ecoute toujours. Ecoutons cet appel au secours, mais descendons, nous aussi, a la source d’ou jaillira le notre : « Plusieurs profondeurs je crie par toi, Seigneur, Seigneur, ecoute le appel ! Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma priere ! » De facon permanente, le Seigneur veille nous, comme le chantait le Psaume 120 ; il va i?tre attentif, toujours en alerte, comme une maman pour ses enfants. « Le Seigneur entend quand je crie par lui » : c’est ce que nous lui disons a Complies J’ai veille des dimanches (Ps 4, 4) . Saint Augustin a su exprimer ce mouvement de l’ame et du c?ur qui nous fera remonter du gouffre a J’ai gloire :
« C’est un cantique des montees et la priere d’un homme qui monte vers Jerusalem. Aussi tous de nous doit-il voir quel est Afin de lui ce fond d’abime d’ou sa priere doit monter vers Dieu. Jonas a crie du fond d’un abime ; il est dans le ventre d’la baleine, non juste au profond d’une mer, mais encore en entrailles d’un monstre ; et pourtant ni la masse d’la bete ni les flots n’ont arrete sa propre priere, ne l’ont empechee de parvenir a Dieu. Elle a tout traverse, rompu l’ensemble des obstacles, elle est parvenue aux oreilles de Dieu. Et aussi devrons-nous dire qu’elle a rompu la totalite des obstacles pour parvenir a l’oreille de Dieu, puisque l’oreille de Dieu est au c?ur du suppliant ? Est-il un lieu ou Dieu ne soit present et proche a le fidele ? Nous aussi, nous devons comprendre quel est ce fond ou nous gisons et d’ou notre priere doit monter aupres du Seigneur. Ce fond, c’est notre vie mortelle. Quiconque la reconnait comme telle crie, gemit, soupire jusqu’a votre qu’il soit arrache a ce fond et vienne a celui qui siege au-dessus de l’integralite des abimes, au-dessus des Cherubins, au-dessus de bien ce qu’il a cree, esprits et corps. Jusqu’a ce que l’ame vienne a lui, jusqu’a votre que le Seigneur delivre votre image de lui-meme, qui est l’homme, image roulee au sein d’ ces bas-fonds et comme usee via l’incessante agitation des flots ».
L’objet de votre psaume est bien votre lourd poids de peche qui pese sur notre c?ur : en prendre conscience est la toute premiere grace, a condition que nous ne nous durcissions jamais face a votre bloc.
Dieu nous donne aussi de pleurer, amerement certes, puis avec douceur, nos peches ; votre que la tradition spirituelle appelle la « componction » : claque que une c?ur soit « pique », « perce », en decouvrant l’amour misericordieux que nous avons ignore, mais qui sait nous rejoindre forcement. Ce seront les sentiments qui affleurent a Notre fin du Miserere : « Le sacrifice qui plait a Dieu, c’est votre esprit brise ; tu ne repousses gui?re, o mon Dieu, un c?ur brise et broye » (Ps 50, 19).
Le psalmiste fera aussitot appel a J’ai misericorde divine : « Si tu retiens des fautes, Seigneur, Seigneur, qui subsistera ? Mais pres de toi se voit le pardon pour que l’homme te craigne » (3-4). Personne ne est en mesure de compter dans ses propres merites ; nous avons tous conscience d’etre des pecheurs : « Moi, j’suis ne dans la faute, j’etais pecheur des le sein ma mere », chante aussi le Miserere (Ps 50, 7) . Dans son premier interview, accepte pour une revue jesuite, le pape Francois, a qui le journaliste demandait de se presenter, a repondu : « Je suis votre pecheur ! », ce que sa devise episcopale, qu’il a gardee tel pape, confirme. Cela l’a empruntee, Effectivement, a un commentaire de saint Bede le Venerable sur la vocation de Matthieu : Miserando atque eligendo, ce qui signifie : « C’est par la misericorde qu’il fut choisi ». Quand il venait a Rome tel cardinal, il descendait dans une residence pour le clerge bien pres de Saint-Louis Plusieurs Francais, et il aimait aller y revoir la celebre « vocation de Matthieu » du Caravage.